Halloween et rues fantômes
« Confinez-vous qu’y disaient, r’confinez-vous… Vous sauverez des vies ! » J’me marre.
Je suis là, enfermée comme une perruche, à siroter ma réserve de Veuve Cloclo prévue pour Noël, en tête-à-tête avec ma wifi qui clignote. Elle semble vouloir me faire passer un message en morse du genre : « ne t’en fais pas ma vieille, on est dans le même bateau ». C’est gentil mais ça ne suffit pas à me remonter le moral. Si ça continue, c’est moi qu’il faudra venir secourir.
Accoudée à mon balcon aux motifs floraux, je regarde la rue vide de vie à l’exception d’un ballon en forme de citrouille au sourire édenté pendu à une fenêtre. Comment en sommes-nous arrivés là ? Forcés à rester chez nous sous peine d’amende corsée, punir les avions de voler et les gens de respirer.
J’aime assez cette ambiance fantomatique, surtout pour un lendemain d’Halloween, c’est calme, sublimement calme. Calme au point d’entendre une mère pigeon faire un bécot à ses petits, ou bien d’entendre de lointains voisins s’encanailler sans retenue. Ravie de savoir qu’il y en a qui profitent….
Une chose est sûre, c’est que cette année, ma soirée d’Halloween fut des plus originales ! L’an passé, je buvais des litrons de Gin Tonic servis par un crocodile décapité en me faisant susurrer des mots baveux par Frankeinstein dans un appartement gluant d’alcool et de fumée d’un mec à qui j’ai complimenté la fausse dentition de gnome des bois alors qu’en réalité, il n’avait pas eu le temps de se trouver un déguisement…
Cette année, je l’ai joué simple mais tout aussi efficace: j’ai regardé le journal télévisé avant d’aller me coucher.
Qu’est ce que je vais pouvoir faire pendant ce mois de confinement ? Mon voisin de balcon, Alain, 32 ans, consultant en infographie avec qui je jouais régulièrement aux cartes, surtout avec son mistigri, a déménagé dans le Loire-et-Cher pour monter un élevage de mouche de pêches. A ce qu’il m’a dit, c’était son rêve d’enfant enfoui depuis des années qui lui est revenu de plein fouet pendant le confinement n°1 alors qu’il tentait de tuer un insecte à l’aide d’un torchon de cuisine. Ainsi, je me retrouve sans compagnon de jeux en tous genres.
Tricoter ? J’ai déjà refait ma garde-robe en laine trempée de toutes couleurs, je ne peux plus voir une aiguille à tricoter sans vouloir la transformer en boîte d’allumettes.
Ranger mon appartement ? J’ai tout jeté au premier confinement à part mon matelas, le journal intime de Jane Birkin et une quantité atomique de coquillettes. Je ne peux même plus traîner sur Tinder, j’ai déjà daté tous les profils sur Zoom.
Après tout, il me reste un tas de choses à faire pour occuper mes journées ! Compter mes cheveux, dessiner des frises le long des mes murs vides, coudre, découdre et recoudre mes ourlets de pantalon, salir des casseroles puis les laver, démonter les portes et les remonter ou encore compter le nombre de coquillettes par paquet !
eh beh… Sauver des vies, c’est bien mais c’est long !